lundi 22 novembre 2010

Da Brasilians - No Clouds Above


Quatre potes originaires de Saint-Lô ont déboulé ce mois-ci avec leur premier album éponyme. Un album d'été de sunshine folk FM sortant par -10°C début novembre. C'est un concept. Pour réchauffer les âmes durant l'hiver rugueux qui se dessine ?

J'étais plutôt sceptique sur la pochette (superbe au passage). A mes yeux, elle ne coïncidait pas avec l'imaginaire créé par leur musique. Je trouvais celle du simple About You plus en adéquation avec ce que la chanson était censée exprimer : quelque chose de léger, rêveur, les étoiles pleins les yeux.
Pour les avoir vu maintes fois en concert au cours de la décennie, mon appréhension première ne portait pas sur les compositions mais plus sur le son. Je savais leurs chansons convaincantes. J'étais surtout impatient de découvrir l'environnement sonore qui les habillerait.
L'album s'ouvre sur Shadows ou comment résumer l'univers musical de Da Brasilians en 3 minutes 30. Il n'est pas question ici de bandana, de slip moulant et de bannière étoilée. Non, les Da Brasilians n'arriveront pas en dragsters sur scène et ne brûleront pas dix personnes au premier rang. Les références sont clairement posées. On y croise les Buffalo Springfield dont ils reprennent Burned à chaque concert, Crosby, Stills, Nash & Young, Don McLean, Gram Parsons, Harry Nilsson, Creedence Clearwater Revival, les Beach Boys (Brian & Dennis notamment), Byrds et autres Eagles. Certes référencée, leur musique n'est pas une simple régurgitation des vieilles gloires folk des 70's. Ils ont suffisamment écouté avec attention leurs modèles pour s'en détacher et proposer une musique personnelle.
About You sorti l'année précédente en simple est le petit tube pop frais et ensoleillé.
Le piano domine sur l'entrainant Revolution, taillé lui aussi pour les radios. Seul regret : la chanson n'explose pas autant sur disque que sur scène.
Sur The Arrows, ils lorgnent du côté de leurs contemporains des Fleet Foxes, autres esthètes barbus avides de chœurs, de folk et de belles mélodies.
Arrive Ocean, un de leurs plus anciens morceaux. J'ai longtemps considéré Ocean comme leur chanson la plus faible. Mea culpa & fluctuat nec mergitur. Ocean est probablement leur meilleure chanson. Rien est à jeter. Les voix et la section rythmique sont bien en place. On est happé du début à la fin.
Take Me Away n'est pas une chanson à probablement parler. Transition courte de 1:43, elle est basée sur une mélodie cyclique jouée au piano où s'étire inlassablement des "take me away in a sunny afternoon". Une échappatoire déclamée froidement comme un mantra voire un appel à l'aide. Peut-être préfigure t-elle ce vers quoi tendra le prochain album ?
Please Stay, nouveau petit bijou pop dans la lignée de About You. Elle est cependant plus longue et la fin traîne un peu. Elle aurait sans doute méritée meilleur traitement. En fait, elle subit le même syndrome que Revolution. La fin est plus endiablée en live qu'en studio. La chanson est lancée à pleine vitesse mais il semble manquer une ou deux idées pour la finir la chanson.
Greetings From America ou la variété seventies dans toute son épaisse pureté. Le commandant Rémi Stubbing vous invite à bord du Pacific Princess, vous y trouverez tout ce qui fait le charme d'une musique réussie, de puissants chœurs entrainants, la basse bienveillante de Doc Ben Bricker, l'humour de Gopher Frabou Smith, le tout rythmé et servi par Isaac Jeff Washington. Un saxophone finissant d'achever la croisière. On ne pourra pas leur reprocher de ne pas aller au bout de leurs idées. Loin d'être ma préférée, elle est, à n'en pas douter, la mieux produite de l'album.
I'll Be Blue, très bonne balade se voulant ouvertement soul et charmeuse, est également rescapée de toutes ces années. Il m'arrive de l'écouter juste pour apprécier la lead guitare qui, je trouve, est malheureusement mise en retrait dans le mix album par rapport à la version disponible sur le simple About You. Je vais réécouter pour en être certain mais ça m'a frappé à son écoute.
Avant-dernière chanson, Janis, petite comptine pour une coquine, cousine des sucreries de Rubber Soul. La chanson la plus légère du lot n'en est pas pour autant la moins travaillée avec ses cuivres liverpuldiens.
Depuis ma première écoute lors d'un concert au Normandy, elle me renvoie sans cesse au "J'ai 10 ans" de Souchon. (Apparemment, je suis le seul. Si quelqu'un peut m'aider, écrivez-moi). Au delà du soleil et du paradis sur terre, c'est fréquent chez les Da Brasilians que les paroles renvoient vers une recherche de la sincérité, de la véracité des relations dans toute leur simplicité, qu'ils s'en amusent (Janis) ou s'en agacent (Revolution).
Million Miles. Pour achever l'album. Ma préférée. Sa mélancolie et son tempo contrastent avec le reste de l'album. A mi-parcours, seul continue de jouer un piano lointain, étouffé, isolé dans une pièce tout au fond du manoir et dont l'écho nous appelle pour nous surprendre au moment où on s'en approche lorsque la chanson explose dans un maelström final. Ou comment rendre une chanson déjà réussie en petit chef d'œuvre.
A l'instar d'un John Lennon refusant de voir Help ! se finir sur le tristounet Yesterday (enregistrant ainsi une reprise de Dizzy Miss Lizzy**), les Da Brasilians, après avoir étalé leur quête d'amour pour du sable plus fin et un soleil plus généreux, ne pouvaient se résoudre à finir l'album sur cette vague de mélancolie, aussi magistrale soit-elle. Ainsi, une vingtaine de secondes seulement après les dernières notes de Million Miles démarre le refrain beaucoup plus enjoué de Tell Me Why, chanson enregistrée durant la même session mais ayant raté le final cut... à mon grand désespoir.
Enregistré live par Samy Osta, ingé-son du label parisien Third Side, l'album se veut épuré et seules de rares interventions de cuivres viennent s'ajouter à l'ensemble piano-basse-guitare-batterie. L'attitude reine étant le less is more cher à Brian Wilson. Chaque chanson a droit à ses harmonies vocales semées ici ou là, véritable marque de fabrique du groupe, pour appuyer des mélodies pop réussies. Il aura fallu plus de 10 ans aux quat' gars eud'chez nous pour sortir leur premier album. L'attente en valait la peine. Ces anciens Mary's peuvent être fiers. Loin des affres de la mode, par définition éphémère, Da Brasilians, c'est avant tout une histoire de potes qui fait une musique intemporelle, qui leur plait et ils se contrefoutent de la hype. Désormais quintette, ils écument actuellement la France en premier partie de Katerine. Je n'ose imaginer cet album comme un aboutissement sinon comme un tremplin vers de nouveaux horizons sonores qui toujours se réverbéraient dans un bleu océan pacifique.


Découvrez la playlist Da Brasilians avec Da Brasilians


Shadows live in Great Town :


** bon, en fait, ça faisait surtout chier Lennon de voir l'album se terminait sur une chanson de Macca. Il a beau ouvrir l'album (avec la chanson-titre qui plus est !), ça ne lui suffisait pas... c'est pas grave John, on t'aime quand même.

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