mercredi 17 novembre 2010

This ain't Rock'n'Roll - this is Genocide

Coup de projecteur sur :
And... in the death - As the last few corpses lay
rotting on the slimy thoroughfare - the shutters
lifted in inches in Temperance Building - high on
Poacher's Hill and red mutant eyes gaze down on
Hunger City - no more big wheels - fleas the size
of rats sucked on rats the size of cats and ten
thousand peoploids split into small tribes coveting
the highest of the sterile skyscrapers - like packs of
dogs assaulting the glass fronts of Love Me Avenue -
ripping and rewrapping mink and shiny silver fox
- now legwarmers - Family badge of sapphire and
cracked emeralds - any day now - the year of the
Diamond Dogs.

"This ain't Rock'n'Roll - this is Genocide"














Génèse
:
Se voyant refusé les droits d'adapter 1984 d'Orwell par la veuve de ce dernier, Bowie conçoit une trame post-apocalyptique où il peint l'image d'un monde où seul le chaos règne. La plupart des chansons composées en 1973 pour 1984 finirent sur Diamond Dogs. Il composa certaines d'entre elles en vacances à Rome et l'enregistrement eut lieu aux Studios Olympic à Londres fin 73-début 74. Bowie utilise le studio comme instrument à part entière et traite le son comme autant de couches de peinture où s'entremêlent échos et collages sonores. Concernant l'écriture, Bowie s'est grandement inspiré des techniques de découpage de William Burroughs. Il rejoint l'auteur sur de nombreux thèmes, notamment sa vision cauchemardesque d'une société où infirmes et déviants sexuels se rejoignent dans le crime et la drogue.

Future Legend :
Bowie pose le décor de Hunger City, ville futuriste déshumanisée où l'odeur de la mort est partout, les puces ont la taille de rats et les rats la taille de chats. Les survivants de ce monde horrifique se regroupent en bandes sur les gratte-ciels telles des meutes de chiens, prêts à se battre pour survivre. Ils sont vêtus de fourrures et de diamants volés. En une minute, les pierres de l'édifice théâtral imaginé par Bowie sont posées. Le glam est enterré.
Diamond Dogs :
Bowie nous présente son nouveau personnage Halloween Jack et son gang des Diamond Dogs. Bowie ayant viré les Spiders From Mars, il enregistre toutes les guitares de l'album. Le riff garage est à l'image de l'album. Beaucoup plus lourd que tout ce qu'il avait fait jusqu'à présent mais toujours en gardant cet aspect décadent, propre à Bowie. Il est vraisemblablement influencé par le son des Stooges avec lesquels il vient de produire Raw Power l'année précédente.
Sweet Thing - Candidate - Sweet Thing (reprise) :
Cette suite en 3 parties est le point d'orgue de l'album. Tout ici est parfait. Les parties vocales de Bowie sont une véritable performance, les arrangements de Garson n'ont jamais été aussi bons que sur cet album et toujours ce son de guitare agressif et ciselé qui fait écho au thème apocalyptique déclamé par Bowie.
On les retrouve interprétés d'un seul bloc sur l'album David Live.
Rebel Rebel :
Le chant du cygne glam-rock de Bowie. Riff qui déchire sa mère. C'est la suite de Ziggy, dans la lignée de The Jean Genie mais en plus réussie. A l'origine, la chanson a été créée dans l'optique d'une adaptation musicalo-théâtralo-chépakwalo-opéra-rock de Ziggy Stardust. Paroles dérangeantes et sexualité troublante (ou le contraire), Bowie, éternel modèle d'anticipation et d'inspiration pour toute une partie de la jeunesse, conforte celles et ceux qui souhaitent affirmer leurs différences. Rien à jeter ici.
Rock'n'Roll With Me :
Pas une mauvaise chanson mais la plus faible de l'album. Tout comme Rebel Rebel, elle appartient à l'adaptation de l'opéra-rock Ziggy. Dans un même style de balade, Bowie fera mieux sur Young Americans.
We Are The Dead :
A l'image de l'album, une des chansons les plus sous-estimées de Bowie et une des meilleures de l'album. C'est du Bowie dans toute sa grandeur, toute sa théâtralité. Le paysage sonore porté par un moog hanté et des guitares saturées coïncide parfaitement avec les propos de ces âmes égarées qui ne retrouveront jamais leur chemin "Because of all we've seen, because of all we've said, We are the dead". A rapprocher de l'insanité des morceaux les plus sombres de The Man Who Sold The World.
1984 :
Un mix r&b, soul et disco (avant le disco) pour ce qui annonce le futur musical de Bowie : Young Americans et Station To Station. Guitare Wah-wah, basse disco, cordes de Visconti imparables et chœurs entêtants reprenant "beware the savage lure of 1984". Clin d'oeil Dylanesque "the times they are a telling and the changing isn't free". Les paroles annoncent l'imminence d'un no future tout sauf jouasse. Une des meilleures chansons de l'album.
Big Brother :
Dans la même veine que 1984 mais un cran en-dessous. La lobotomie est complète, le narrateur montre sa déférence à la dictature qui contrôle nos esprits, le cauchemar est terminé, tout est perdu, Big Brother a gagné "Give me pulsars unreal", "We'll be living from sin then we can really begin", "Please saviour, saviour show us", "We want you Big Brother".
Chant Of The Ever Circling Skeletal Family :
Plus une outro à Big Brother qu'une véritable chanson. Une sorte de stupide danse zombie en boucle coupée brutalement par la répétition de la première syllabe de Brother qui conclut le morceau (et l'album).





























Pour son premier album sans les Spiders, Bowie tape fort. Il joue de presque tout les instruments sur l'album (guitares, saxos alto et tenor, moog et mellotron). La formation est réduite. Aynsley Dunbar à la batterie, l'inamovible Mike Garson aux claviers et Herbie Flowers à la basse. Tony Visconti mixa tout l'album que Bowie produisit lui-même.
Plus 3 apparitions : Tony Newman à la batterie, Alan Parker à la gratte sur 1984 et Geoff McCormack (a.k.a. Warren Peace) aux congas sur Rebel Rebel et à l'écriture pour Rock'n'Roll With Me.

Diamond Dogs n'est pas le meilleur album pour entamer l'œuvre et ce malgré les portes d'entrée que représentent les singles Diamond Dogs, Rebel Rebel et 1984. Il représente pourtant l'un de ses plus ambitieux. Cet album est plus qu'une transition entre le glam-rock des années Ziggy et la plastic soul du milieu des seventies.
La tournée verra Bowie/Halloween Jack jouer ses concerts sur des scènes avec pour décor les immeubles détruits de Hunger City. Le coût exorbitant du spectacle verra son abandon en cours de tournée.
Je n'irai pas jusqu'à qualifier l'album de chef d'œuvre mais il demeure une des (nombreuses) pierres angulaires de la carrière de Bowie. Comme concept-album, il se place tout là-haut, à des années-lumières devant les autres inepties d'opéra-rock totalement ratées de son époque.
La pochette de l'album est signée Guy Peellaert qui peigna entre autres celle de It's Only Rock'n'Roll (But I Like It) à la même époque. C'est l'une des plus célèbres de Bowie. Elle fut censurée because on voit les parties génitales de cet humanoïde mi-Ziggy, mi-chien. Il a réalisé des affiches de films et créa Rock Dreams, une série de peintures fantasmées de rock stars dont je vous invite à voir quelques clichés sur ce blog.

Pour aller plus loin dans l'univers de Diamond Dogs, la dernière réédition me semble le meilleur choix. Tout n'est pas indispensable. Le plus intéressant concerne les morceaux enregistrés en 1973 à l'origine pour 1984. Dodo s'écarte un peu de l'univers du concept-album et se rapproche plus des premières compositions (Rubber Band, Uncle Floyd, In The Heat Of The Morning...). Alternative Candidate (demo) est le petit bijou de ce second disque. Elle ne comporte presque aucun point commun avec la version définitive de Candidate présent sur l'album. Le medley 1984/Dodo vaut le détour également. On y trouve une reprise de Springsteen Growin' Up. Le reste n'est pas vraiment nécessaire : la version single de Rebel Rebel de 73, une version ré-enregistrée en 2003 (disponible sur la version limitée de Reality). A cela s'ajoute des mixes de Candidate et Diamond Dogs.

Halloween Jack - Rebel Rebel

L'audio live de Sweet Thing-Candidate-Sweet Thing (reprise)

La démo de Candidate figurant sur le CD2 de la réédition du 30th Anniversary.

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